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I - Aperçu
historique de L'O.L.M. (P. Joseph AZZI)
II - L'O.L.M. dans trois nouveaux
siècles (P. Joseph AZZI)
I - Aperçu historique de l'Ordre Libanais Maronite
par Joseph AZZI, o.l.m.
1 - Les débuts: Vers la fin du XVII siècle, et plus précisément le l0 novembre 1695, la vie monastique commence à s'organiser au Liban: les moines s'engagent à vivre en communauté, sous des Règles unifiées et soumis à une autorité centrale qui régit les nombreux monastères alors établis.
Cette transformation a été opérée par trois jeunes gens venus d'Alep: Gabriel Hawa, Abdallah Carali et Joseph Al-Butn; bientôt va les rejoindre un quatrième: Gabriel Farhat. Ils se présentent au Patriarche Douayhi pour lui faire part de leur intention de s'établir en communauté religieuse. Le Patriarche leur demande de patienter. Mais, poussés par leur grand désir, ils ne cessent de le harceler jusqu'à ce qu'il leur permit de fonder une nouvelle Communauté; il leur offert même un vieux monastère dans son village de Ehden: celui de Mart-Moura.
C'est dans ce monastère qu'eut lieu le départ de la vraie vie monastique au Liban, et Gabriel Hawa fut le premier Supérieur Général de la naissante Institution. Une fois ce premier pas fait, les quatre Fondateurs se mettent en retraite durant trois ans, pour prier, réfléchir, planifier, décider et exécuter. les résultats ne tardèrent pas à se faire voir: des monastères rejoignent la nouvelle Réforme, des moines entrent dans la Communauté, des jeunes gens y prennent l'habit, etc. Le P. Carali se charge d'établir les Règles et les Constitutions qui stipulent un Supérieur Général aidé de quatre Assistants, tous élus pour trois ans renouvelables. Le premier Chapitre se tient au monastère de Mar-Licha, à Bécharé, le 10 novembre 1698, anniversaire de leur prise d'habit, et Hawa fut réélu Supérieur Général; et l'Ordre démarre.
2- Le "criblage" de Satan : Mais Satan veillait; il faisait son uvre de cribleur, exactement comme le Maître l'avait prédit à Pierre: "Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme on fait pour le blé " (Lc. 22/31). Il n'est donc pas étonnant qu'on le voit s'interposer entre deux des quatre Fondateurs, Hawa et Carali. Le premier voulait que le Supérieur Général soit élu à vie, le second, pour une durée limitée; le premier réclamait pour l'Ordre un cachet missionnaire, le second, un cachet contemplatif. La démocratie l'emporte: Un Chapitre Général anticipé décide la destitution de Hawa et l'élection de Carali.
Les objectifs de l'Ordre fixés par Carali sont très clairs: primat de la prière et de la vie commune, la mission venant en second lieu et dans la mesure du possible; le Généralat n'est point à vie et les décisions sont prises d'un commun accord entre le Supérieur Général et ses Assistants. Ces dispositions, n'ayant plu à Hawa, le décident à s'émanciper. Le patriarche intervient pour trancher le différend en partageant l'autorité entre les deux Fondateurs. Cet état de chose anormal dure deux ans au bout desquels Hawa quitte l'Ordre.
La tempête fut momentanément apaisée et l'Ordre poursuit sa route. Plusieurs monastères l'ont ralliés, le nombre des moines allait en augmentant et la Règle méticuleusement observée. Il en sera ainsi pendant toute la durée du Généralat de Carali, jusqu'au jour où il fut promu évêque en 1716. Après lui, C'est Farhat qui prend la tête de l'Ordre jusqu'en 1723, date de sa promotion à l'Archevêché d'Alep. Il est succédé par Michel Al-Ehdény, dont le mandat fut marqué par la "Confirmation" par Rome des Règles de l'Ordre et la déclaration de son "exemption" qui le protégeront contre "les ennemis de tout bien". A cette fin, Al-Ehdény s'est rendu à Rome pur arracher au Pape Clément XI la Bulle Pontificale, datée de 31 mars 1732.
Rentré au Liban, Al-Ehdény est accueilli en triomphateur. Après l'expiration de son mandat, en 1735, le gouvernement de l'Ordre est confié à Thomas Al- Labboudy, homme de génie et d'administration. Il devait livrer bataille contre "les ennemis de tout bien" qui ne cessaient pas de conspirer la ruine de l'Ordre. Il écrit un jour: "S'il existait des hommes justes, ils nous béatifieraient à cause de ce que nous endurons de nos seigneurs les évêques".
Malgré les calomnies et les propos injurieux et en dépit des secousses de Satan, la caravane poursuit son chemin d'un pas ferme, jusqu'au jour où l'Ordre remporte une victoire unique en son genre: la tenue du Synode Libanais, en 1736, à ses frais et dans l'un de ses monastères de Louaizé.
La marche continue, et l'Ordre se développe et s'enrichit en nombre, en vertus, en constructions, en missions. La génération des Fondateurs et des pionniers de la première heure s'en était allée, mais les entraves et les attaques de Satan reprennent avec plus de véhémence, jusqu'à toucher au cur même de l'Institution. Des moines dissidents tiennent un Chapitre à Machmouché, le 4 décembre 1744, sous le haut patronage du Patriarche Simon Awad, pour élire à leur tête un Supérieur Général. Et le Patriarche d'excommunier tout moine qui se refuserait à se soumettre à son autorité. C'est ainsi que l'Ordre fut scindé en deux factions: les loyalistes, à grande majorité Alépins, et les opposants les moines libanais de la montagne. Cet état de chose se prolonge jusqu'au 1er avril 1748, quand Rome intervient pur mettre la paix entre les deux ailes de l'Ordre. Mais, une paix de courte durée; on n'arrivait pas à s'entendre et l'Ordre de se revoir scinder en deux. Chaque groupe maintient ses positions, détermine ses revendications et écrit à Rome. Tout allait de mal en pis, et il y eut deux autorités à la tête d'une seule Institution, de 1753 jusqu'en 1770, quand Rome décide d'intervenir pour consacrer de jure la partition définitive. A partir de cette date on a deux Ordres séparés et distincts: l'Ordre Alépin et l'Ordre Libanais.
3 - La marche continue: la tempête est définitivement calmée et les "conquêtes" des monastères et des âmes reprennent de plus belle. Ce fut une période de travail, d'expansion et de prédication jusqu'en 1810, date du Généralat de l'Abbé Ignace Blaïbel, qui va durer 22 ans sans interruption. Ce fut un âge d'or pour l'Ordre et pour les chrétiens du Liban. En 1832, on nomme à l'unanimité l'Abbé Moubarak Hlaïhel, un saint moine; et la marche se poursuit sans histoire jusqu'aux événements douloureux de 1840 et ceux surtout de 1860 avec les massacres et les déplacements massifs des chrétiens; 50 moines sont morts martyrs, des monastères démolis et brûlés. En dépit de cette pénible situation nationale, cette longue période fut particulièrement féconde en sainteté; pour n'en citer que le P. Nematallah Hardini (+1858), le P. Daniel Hadathy (+1884). Saint Charbel Makhlouf (+1898), et bien d'autres.
4 - l'Ordre au XX siècle: Ce siècle est caractérisé par une grande prospérité de l'Ordre. les deux grandes guerres mondiales qui ont failli anéantir le pays. le poussent à se mettre au service des nécessiteux; il hypothéqua tous ses biens pour assurer le pain aux affamés. La seconde moitié du siècle le voit s'ouvrir au vaste univers et prendre un essor mondial: une mission est ouverte à Dakar en 1949, deux autres à Abidjan et à San Paulo en 1954, à Bamako en 1959, à Tucuman en 1960, à Sydney en 1970, au Canada en 1985, en France en 1990, en Venezuela en 1993
Au Liban, il engage la lutte contre l'ignorance et la pauvreté, en ouvrant des écoles, des orphelinats, des hôpitaux, des dispensaires et des maisons de repos pour personnes âgées. L'enseignement supérieur caractérise cette période: l'an 1962 voit naître l'Université Saint-Espirt, à Kaslik avec ses multiples Facultés et Collèges universitaires.
De nos jours depuis 1975, par suite des événements en cours, que de moines ont été massacrés, que de monastères incendiés et dévastées, d'écoles fermées! En fin de compte, ne faut-il pas uvrer sans relâche pour établir le Royaume du Christ sur la Terre?
5 - Personnel: l'Ordre a connu, au long de son histoire, 44 Supérieurs Généraux; il possède actuellement 80 maisons (dont 17 à l'étranger); il compte 290 prêtres, 18 Frères Coadjuteurs, 63 Etudiants Profès, 38 Novices et 95 Postulants.
II - L'Ordre Libanais Maronite dans trois nouveaux siècles1
par
Joseph AZZI, o.l.m.
Introduction
1-
Relation de l'Ordre avec St Antoine le grand
2-
La vie conventuelle et communautaire
3-
L'obéissance et l'autorité
4-
La liberté religieuse
5-
Les élections
6-
Chasteté et célibat
7-
La pauvreté et l'argent
8-
Le travail et la spécialisation
9-
Le jour de retraite
10-
L'apostolat
11-
Le moyen de l'apostolat
12-
Couvent et Village
13-
Le moyen d'obtenir des Vocations
14-
L'école de préparation à la vie religieuse
15-
L'Ordre religieux civile
16-
Des livres absolument nécessaires
17-
L'Ordre et les Ordres
18-
Les affaires du destin de l'avenir
19-
La terre de l'Incarnation et de l'Eglise
Conclusion
Si l'Ordre Libanais Maronite veut -comme tous les autres Ordres religieux- continuer à exister au Liban et en Orient et être réellement efficace dans l'Eglise et la société, accomplissant une mission évangélique réussie, il doit obligatoirement porter son attention sur ce qu'il est devenu, au bout de trois cents ans de son existence et en tirer les conséquences qui s'imposent.
J'ai osé traiter ce que deviendra l'Ordre dans trois cents ans à venir; c'est une aventure, car qui pourrait savoir ce que sera le monde dans trois ans, pour qu'il connaisse ce que sera l'Ordre dans les trois cents ans à venir. Et qui pourrait savoir comment l'homme considérera-t-il alors toutes les valeurs, telles que: Dieu, l'Homme, le monde, l'Eglise, la morale, la vie, la mort, la douleur, la maladie, la croix, la résurrection, l'état eschatologique, le destin, ... pour qu'il soit à même de prendre une attitude vis-à-vis de tout cela?
Qui pourra encore savoir, que sera l'Ordre au cours des trois cents ans, à venir? Quel sera le nombre de ses religieux et de ses couvents? Dans quel pays sera-t-il? Quelle sera son uvre essentielle? Apostolat? Vie ascétique? Mass-Médias? Enseignement? Médecine? Quel sens auront l'obéissance, le célibat, la pauvreté, la prière, le travail, l'ascèse, la vie érémitique, la signification du couvent, de l'ermitage et du détachement du monde?!!
En tout cas, et pour donner une réponse à toutes ces questions, nous devons préparer "le Cénacle" afin que l'Esprit souffle sur nous, comme il veut et comment il veut... Notre préparation consiste à traiter dix neufs sujets, lesquels sont, à notre avis, des bases saines et solides pour que continuent à exister efficaces, l'Ordre et sa mission, dans les sociétés où il vit et travaille. Ces 19 sujets sont:
1- Relation de l'Ordre avec St Antoine le grand
Je dis: jadis, il n'y avait pas pour les moines - avant la fondation de l'Ordre en 1695- de Règle à observer, ni de vie organisée soumise à des devoirs précis; mais, selon les propos de Qara'li, ils étaient sans "vux, à la manière des Maronites"2 . C'était une vie érémitique libre, conforme aux caractères des gens de la montagne au Liban, lesquels tendent toujours à la liberté et à l'individualisme.
Lui aussi, depuis sa fondation, l'Ordre Libanais Maronite, n'a connu ni les Règles de St Antoine, ni sa vie; il n'a absolument pas relevé de ce Saint. La preuve à cela, c'est l'histoire de la confirmation de l'Ordre, sous le Patriarche Etienne Douaïhi, (+1704) au début de l'année 1699. Ecoutons ce qu'a dit le Fondateur dans ses Mémoires, sur la confirmation des Règles. Il écrit:
"Dans la formule de confirmation, il (le patriarche) écrit, entre autres, cette phrase: "Nous ne dispensons pas nos fils, les moines, de l'observance de la Règle de St Antoine". Et Qara'li de commenter: "A cause de cette phrase, nous n'avons pas accepté cette confirmation et nous avons présenté nos excuses au Patriarche lui disant qu'il y a plusieurs Règles différentes de St Antoine et la plupart d'entre elles concernent les ermites, pas les communautés conventuelles. Si nous acceptons cette phrase, il en résultera pour nous de nombreuses difficultés et beaucoup de dangers... Et comme nous avons beaucoup insisté, il se mit en colère et a annulé la confirmation, donnant l'ordre d'en déchirer le document. Nous sommes alors revenus à notre couvent, tout tristes"3.
Dans une nouvelle tentative, en mai 1700, Haoua et Qara'li, ont essayé de nouveau d'obtenir du Patriarche la confirmation souhaitée. Encore une fois, celui-ci a rejeté la demande. Qara'li dit: "Nous sommes revenus déçus à notre couvent"4 . "Quelques jours après, nous sommes revenus à la charge auprès du Patriarche et de quelques évêques". Et la démarche fut répétée ensuite plusieurs fois et les évêques ont toujours opposé un refus, mettant le Patriarche à couvert en cela. Ils prétendaient que les Règles qu'on leur présente sont une injure à la Règle de St Antoine... Et à force d'aller et de revenir à notre couvent de Qannoubine, nos âmes avaient éprouvé de la lassitude et moi-même, j'étais en proie à la tristesse"5 .
"Un jour, j'ai pris le livre des Règles entre les mains, je l'ai considéré et l'ai résumé: de 22 chapitres je l'ai réduit à 15. Puis je me suis mis en route chez le Patriarche qui, cette fois, a confirmé nos Règles et y a apposé le seing du Siège patriarcal. C'était le 19/6/1700. Nous sommes alors revenus tout joyeux à notre couvent6 . Ce fut une grande fête dans l'Ordre.
L'Obstination du Patriarche qui connaissait bien les choses, était justifiée; c'était pour que le jeune Ordre fût agréé par le Siège romain et par les évêques, anciens élèves de Rome. C'était aussi pour que l'Ordre s'épanouisse et les aspirants à la vie religieuse aient leurs âmes tranquilles et assurées que leur Ordre marche sur les pas du Père des moines et suivant ses Règles... De même l'obstination de Qara'li était justifiée aussi, il fallait éviter à l'Ordre des "peines et des dangers" que l'adoption de la Règle de St Antoine pourrait leur occasionner à cause du manque d'harmonie entre la vie vécue et ces règles écrites. A la suite de longs pourparlers la solution fut à la libanaise: un compromis.
Il n'y avait pas effectivement, au début de l'Ordre, une place considérable pour St Antoine, et notre rattachement à ce saint ermite n'est que de nom seulement, comme l'humanité se rattache à Adam. La preuve, c'est que, durant plus de deux cents ans, les religieux de l'Ordre renouvelaient leur profession religieuse, tenaient leurs chapitres généraux, élisaient leurs supérieurs majeurs et nommaient les supérieurs de leurs couvents, en l'anniversaire de la profession religieuse des Fondateurs, soit le 10/11/1695, et pas comme cela se fait actuellement le jour de la fête de St Antoine, le 17 janvier.
Nous disons: Il se pourrait que dans les 300 ans à venir l'Ordre Libanais Maronite, ait à examiner son rattachement à St Antoine, à ses Règles et à la tradition monacale égyptienne. Nous disons encore: Il se pourrait que, durant les 300 premières années, l'O.L.M. s'est constitué une tradition à lui, ni égyptienne, ni saïdienne antonine, ni syriaque antiochienne. Mais une tradition libanaise-maronite-montagnarde dont la caractéristique est, comme a dit Qara'li "les couvents communaires", c'est-à-dire, la vie conventuelle en communauté qui unit ensemble la vie érémitique et la vie apostolique.
2- La vie conventuelle et communautaire
Le couvent, c'est la maison du moine: il y habite, travaille, et exerce son apostolat; c'est le lieu de sa retraite et sa paroisse; c'est du couvent qu'il va à la société et c'est au couvent qu'il en revient. La vie conventuelle en communauté est le cadre particulier où vit le moine. Dans le couvent se vit complètement la vie religieuse. Hors du couvent, elle est diminuée. La vie conventuelle est la caractéristique de la vie religieuse au Liban. Les moines libanais ont mené une vie conventuelle pour, entre autres motifs, se mettre à l'abri et se protéger contre les attaques des ennemis de leur religion et de leur pays, lors de persécutions amères et nombreuses fréquemment essuyées.
Cette réalité a obligé les moines, même les ermites parmi eux, à vivre ensemble dans des "couvents communautaires" ou dans des ermitages adjacents afin de protéger leur foi et leurs vies.
Cette manière de vivre a toujours été et ne cesse d'être la caractéristique de la vie des moines maronites au Liban. L'appellation "conventuel" est la véritable appellation de ce qu'en arabe, on appelle moines (Rohbâne). Ceci, c'est parce que leur particularité, est d'habiter dans un couvent.
Le couvent constitue donc la particularité de l'Ordre Libanais Maronite. Il faut qu'elle le soit dans les 300 ans futurs. La vie conventuelle et communautaire est le grand moyen de protection pour l'Ordre dans ce grand monde plein de tentations.
3- L'obéissance et l'autorité
Dans notre conception actuelle simple et simpliste, l'obéissance, c'est la soumission de l'inférieur à un supérieur, répondant à sa volonté et exécutant ses ordres. Par conséquent, elle est la défaite de sa propre volonté et la victoire celle du supérieur. Dans la vie religieuse, l'obéissance est qualifiée "d'aveugle", on dit: "obéissance aveugle", "planter un oignon à l'envers", et exécuter les ordres sans question ni contestation, même si l'ordre donné est en opposition avec la réalité, la logique et le bon sens.
Cette obéissance n'est pas conforme à l'Evangile: Jésus n'avait-il pas clairement dit et insisté que l'autorité est un service? et qu'elle est de Dieu! Si elle n'est pas service, elle ne sera pas de Dieu! Il a ainsi abrogé la conception commune des gens quand il a dit: "Vous savez que les chefs des nations leur commandent en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il n'en doit pas être ainsi parmi vous: au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, se fera votre serviteur" (Matt. 20, 25-26).
Dieu n'a pas établi des gens maîtres d'autres gens. Il est l'unique à posséder l'autorité parce qu'il est l'unique créateur; toutefois et parallèlement à cela, il a donné à l'homme l'autorité sur toutes choses. Il a dit:
"Que l'homme domine sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre". (Gen. 1, 26). Quant aux relations des hommes entre eux, çà n'a jamais été domination mais collaboration et égalité, de sorte que l'homme et la femme "seront tous les deux un seul corps" (Gen. 2, 24). La femme fut créée par Dieu pour être "un aide qui lui soit assorti" (Gen. 2, 20); elle lui est égale. Elle n'est pas inférieure à lui, acceptant ses ordres.
Et les paroles de Jésus sur l'égalité entre les hommes sont une leçon: "Vous êtes tous frères. N'appelez personne votre père sur la terre: car vous n'en avez qu'un , le Père céleste. Ne vous faites, non plus, appeler "docteurs", car vous n'avez qu'un "Docteur", le Christ. Le plus grand parmi vous se fera votre serviteur. Quiconque s'élèvera sera abaissé et quiconque s'abaisse sera élevé" (Matt. 23, 8-12). Ces paroles sont très riches de sens. Elles veulent dire: Dieu est l'unique en tant que Créateur; Jésus est l'unique en tant que Sauveur. Eux seuls possèdent toute autorité.
Et à ce propos, Jésus met ses disciples en garde de chercher à posséder l'autorité: Elle est, dans les meilleurs des cas, jactance et orgueil. Alors qu'en réalité, elle devrait être service, abnégation et don, à l'exemple du "Fils de l'homme; il n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude" (Matt. 20, 28). Et ceux qui ont de la chance d'entrer dans le Royaume, doivent revenir et être comme les petits, autrement pas de Royaume pour eux (Matt. 18, 3).
Si quelqu'un possède de l'autorité sur la terre, celle-ci est à Jésus -est-ce que Satan ne l'avait-il pas tenté sur ce point?-, toutefois regardez comment était cette autorité de Jésus et sur qui elle s'est exercée: il enseignait avec autorité; il remettait les péchés avec autorité; il avait autorité sur les maladies et ils les guérissait; sur les éléments de la nature et ils lui obéissaient; sur les démons et ils le fuyaient; sur la loi qui pesait sur les hommes, il l'a abrogée et sur le Sabbat, il en a libéré l'homme...
"Les apôtres discutaient entre eux, lequel sera le plus grand, Jésus l'a su et, une fois à la maison, il leur demanda: de quoi discutiez-vous en chemin? Eux se taisaient. Alors s'étant assis, il appela les Douze et leur dit: "Si quelqu'un veut être le premier, il se fera le dernier de tous et le serviteur de tous (Mc. 9, 33-35).
Quant à St Luc, il dit dans son récit, que "les apôtres s'étaient querellés lequel serait le plus grand". La réponse de Jésus fut: "Vous êtes, vous, ceux qui sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves; et moi je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi" (Luc. 22, 28-29).
Cela signifie clairement que l'autorité et la première place seront pour celui qui aura porté la croix de Jésus; qui se sera demeuré ferme dans ses épreuves, aura bu son calice et souffert avec lui. Cela ne sera pas sur la terre, mais dans le Royaume.
A travers l'histoire de l'Eglise, qui niera que les schismes qui ont eu lieu avaient eu pour cause, la concurrence que se faisaient les supérieurs relativement aux dignités et à l'autorité? Et dans notre Ordre religieux, la première scission entre les Fondateurs, qui pourrait dire qu'elle ne fût pas à cause du supériorat? De même la seconde scission de 1742, et la troisième de 1752-1770? Ensuite, y a-t-il eu de problème dans l'Ordre qui ne fût causé par la relation entre le moine et l'autorité?
Dans ce sens, nous disons: L'obéissance dans l'Ordre des prochains 300 ans, ne sera pas "aveugle", ni une soumission aux vouloirs des supérieures, ni une défaite de la volonté propre, ni l'exécution des ordres par recherche de quelqu'intérêt... Mais elle sera une prise de conscience d'une série d'événements dans lesquels le Seigneur se manifeste; une réaction avec la volonté salvatrice de Dieu; une réponse à la grâce de Dieu qui a donné la liberté à l'homme, et un dialogue constructif par lequel se complètent les hommes. C'est une dialectique par laquelle les idées s'amalgament et se clarifient. Tout cela, afin de rechercher la vérité et de la découvrir. Cette vérité qui ne se découvre que par la réaction de volontés différentes et contradictoires entre elles, même si elles sont en conflit.
"L'obéissance aveugle" est une invention militaire, pour dominer et mener les gens comme des esclaves pour le service pas pour faire avancer le monde. Elle est une invention des tenants de l'autorité en ce monde afin de consolider leur faiblesse, de fortifier leur autorité et faire admettre leurs arguments.
Aussi, il faut que l'obéissance religieuse s'élève pour atteindre le niveau de l'obéissance salvatrice du Christ, comme un pendant à la désobéissance d'Adam laquelle a introduit la perdition.
4- La liberté religieuse
Ce sujet complète celui de l'obéissance et le clarifie. Je dis: Dieu n'a créé personne pareil à un autre. En cela, se manifeste le mystère de la richesse de Dieu. Il en est de même dans la vie religieuse, personne n'est pareil à un autre; c'est le secret de la richesse de l'Ordre: Si tous les religieux étaient identiques, en parfait accord, soumis, obéissants, en tout pareils et semblables et en parfait accord entre eux quant aux opinions, aux idées et aux perspectives... pourquoi existeraient-ils? Quel intérêt présenteraient-ils? et quelle utilité à ces nombreuses personnes identiques?
Partant de là, je dis de la vie religieuse: La différence dans les opinions et les idées chez les religieux, et l'opposition des uns aux autres sont des signes de succès dans la vie sociale... J'allais presque dire: même la division est l'uvre de l'Esprit: elle est mille fois meilleure que l'accord qui appauvrit ou du désaccord où l'on se heurte constamment. La vérité ne se révèle et la recherche de la vérité n'avance pas s'il n'y a pas des gens qui la poussent en la mettant constamment en question. Tout évolue et avance, par la concurrence qui existe entre le bien et le mal. St Paul l'a excellemment exprimé le jour où il a dit: "Là où le péché abonde, la grâce surabonde" (Rom. 5, 20).
Il se pourrait que les athées aient contribué à prouver l'existence de Dieu plus que les croyants. Et ceux qui ont dénigré la vie religieuse, lui ont été plus profitables que les religieux qui vivent dans la quiétude, sans se poser de questions.
Aussi, l'opposition dans la vie religieuse est un signe de bonne santé. On ne saurait prouver l'existence de la démocratie et de la liberté que par l'existence d'une opposition. Toutefois, prêter son attention à l'opposition c'est la vertu des sages. Prêter son attention signifie reconnaître le droit de l'autre et l'accepter tel qu'il est; tel que Dieu l'a privilégié et particularisé. Ecouter la voix des opposants sera le secret du succès de l'Ordre dans les 300 ans futurs.
5- Les élections
Le phénomène des élections dans les ordres religieux, n'est pas du tout religieux. Dans leurs différentes formules elles sont cause de grands désaccords parce qu'elles font naître des préférences d'une personne sur une autre. Ce n'est plus une opposition d'idées, dans le sens que nous avons précédemment signalé. Dans chaque opération électorale, l'Ordre risque de perdre beaucoup de ses valeurs, de la vie de famille et de la charité fraternelle... Le secret souhaité dans chaque scrutin n'est pas, lui aussi, bien gardé dans les petites communautés. L'intérêt particulier y apparaît dans son aspect le plus hideux; de même que les appartenances familiales et l'esprit tribale... Tout dans l'Ordre devient exposé à une forte secousse.
Que faire, dans ce cas, dans les 300 ans futurs? Je dis: Ceux qui s'occupent des Règles, doivent trouver remède à ce mal certain: Qui ne se souvient pas des chapitres généraux donnant naissance à des désaccords, des dissensions, des rivalités et à d'autres attitudes condamnables?
Aussi, je propose que tous les religieux élisent dans une même liste contenant les noms des candidats aux postes de supérieur et d'assistant. Celui qui obtiendra la majorité absolue des voix sera Supérieur Général ou Assistant. Celui qui ne réussit pas ce premier tour, le Chapitre Général en élira un parmi les deux candidats qui avaient obtenu le plus de voix, au premier tour, afin de réparer ce manque commis par les religieux dans leur ensemble. Le Chapitre Général sera composé de délégués à raison d'un délégué pour chaque dix religieux.
Et ainsi la liberté, le secret, l'unité religieuse, et la participation personnelle et effective de chacun, seront sauvegardés comme la dignité de chaque religieux, sa liberté, son secret et son entente avec tout le monde. Ajouter à cela, des lettres circulaires envoyées par le supérieur général avant les élections: il y donnera les directives nécessaires et incitera les religieux surtout à la prière, à exercer un droit d'importance et à écouter la voix de leur saine conscience. C'est là une occasion de grande importance, car nous allons choisir celui qui va rendre compte de nous devant le Seigneur (Heb. 12, 17).
6- Chasteté et célibat
Je ne prétends pas bien savoir comment traiter un problème si épineux. Aussi, je propose qu'on forme un comité qui entreprendra des recherches à ce propos, avec loyauté, franchise et fidélité. Ce comité examinera la dignité de la personne humaine, les valeurs évangéliques et le patrimoine chrétien. Il se mettra dans l'esprit que le célibat est un moyen, pas une fin; que la priorité revient à sauvegarder l'homme, que s'occuper de tâches fructueuses est le meilleur et le plus utile; que l'amour des hommes a amené Dieu à se livrer lui-même, et qu'imiter Dieu, c'est cela qui est demandé et qui constitue la perfection.
Vivre le célibat, dans son sens religieux traditionnel, en ce siècle tout plein de sexualité et d'apparences et jouissances sexuelles, tient du miracle; la chasteté est une vertu humaine supérieure, mais elle ne peut pas être vécue dans les rues des villes, les locaux d'amusements et les cinémas, ni dans l'errance, les déplacements, et les fréquentations; ni avec les spectacles indécents, les photos et les dessins artistiques osés, ni parmi les livres et les revues dont le seul but est de se vendre et de faire fortune.
Les éducateurs, les dirigeants, les pères spirituels, les professeurs d'universités et les responsables dans tout l'Ordre doivent nous dire où se vit la chasteté religieuse? et comment? Cependant je peux exprimer mon opinion personnelle et affirmer disant: la chasteté religieuse se vit dans le cadre d'une vie conventuelle commune, dans une communauté où l'on s'aime, dans un travail sérieux, dans une occupation efficace et continue avec des moments de repos bienfaisants, dans un climat de prière et de méditation continuelle devant une croix dressée devant nos yeux, dans des pratiques quotidiennes d'ascèse et dans le détournement des sens de tout ce qui dissipe l'esprit...
La chasteté religieuse est une vertu qui libère le cur et dégage l'esprit pour s'occuper totalement du Royaume. Le jour où le religieux considère tous les hommes sont comme ses frères et ses enfants, la chasteté est possible. Le jour où il établit une distance entre lui et n'importe quelle personne autre, la chasteté sera possible. Le jour où le travail pour le Royaume est l'objectif du religieux, la chasteté sera possible. Le jour où se trouve un homme détaché, vivant loin du monde, pratiquant l'ascèse: il mange peu, boit et dort peu et prie et jeûne beaucoup; il est silencieux, chaste des oreilles et des yeux, ce jour-là la chasteté religieuse sera possible.
Ce que je crains le plus dans ce domaine, c'est que les principes mondains relatifs à la chasteté ne nous devancent; alors, nos principes ne serviront plus à rien. Aussi, la chose presse; il devient impératif de former un comité éducatif et spirituel composé de compétences diversifiées afin de définir les cadres de la chasteté religieuse. Dans les 300 prochaines années les Règles et les devoirs, de l'Ordre ne seront pas autres que ceux pratiqués par ses religieux dans les cadres et les normes qui leur seront fixés.
7- La pauvreté et l'argent
Nous n'émettrons plus désormais le vu de pauvreté, mais nous nous vouerons aux pauvres. Nous émettrons le vu de gratuité, du travail efficace, d'aide aux pauvres et aux nécessiteux et de nous sacrifier pour les autres. Nous pourrions faire le vu de ne pas posséder de biens en propre, de ne pas exagérer dans le manger, le boire, l'habitat et les vêtements. On pourrait aussi faire vu de protéger les biens de l'Eglise et de l'Ordre et de vivre de ce que nous ont laissé les religieux défunts et de ne pas laisser d'héritage à personne, ne possédant pas nous-mêmes rien en propre.
Pourquoi sommes-nous étourdis jusqu'à ce point? La pauvreté serait-elle seulement que nous n'ayons en notre nom propre des biens, des immeubles, des usines, de compte personnel dans les banques? Ou la pauvreté ne serait-elle pas à ce que nous ne possédions pas de voiture de luxe, de télévision et de vidéo? De vêtements de soie signés et d'instruments de musique de haute qualité? Est-ce que tout cela n'existe-t-il pas chez certains religieux qui ont fait vu de pauvreté? Avec çà, peut-on dire qu'ils sont vraiment pauvres?
Pourquoi nous leurrer nous-mêmes et tromper autrui? Nous enregistrons sur le cahier du couvent des choses qui ne le regardent pas, tels que cigarettes, déplacements, vêtements, boissons, parfums et bien d'autres objets personnels. De tout cela, l'individu seul profite, pas le couvent, ni la communauté conventuelle.
Dans notre conception actuelle la pauvreté religieuse consiste à vivre dans l'indolence, la paresse et l'oisiveté. Et nous pensons que ceux qui travaillent ne sont nullement pauvres parce qu'ils portent de l'argent pour en disposer et pour entreprendre des projets et porter la responsabilité de ce qu'ils réalisent.
Comment, pensons-nous être pauvres et l'Ordre a confié à chaque religieux un certain capital propre pour qu'il l'administre au mieux. Il a payé d'énormes sommes d'argent pour l'éduquer, le spécialiser et prendre soin de lui. Lorsque vient le temps de la moisson, on ne lui voit pas exploiter la moindre partie de son capital; serait-ce cela la pauvreté?
Dans les 300 ans qui viennent il n'en sera pas ainsi: la pauvreté ne sera plus un vu négatif. Ne devons-nous pas nommer les choses par leurs noms et mettre les points sur les i? La pauvreté est dans notre vie, notre comportement et notre attitude; elle consiste aussi à distribuer les biens de tout l'Ordre aux nécessiteux. L'Ordre ne croîtra en nombre et en vertu, qu'à cette condition... Les pires ennemis de l'Ordre ce sont l'oisiveté et la perte de temps. C'est en cela que loge tout vice.
8- Le travail et la spécialisation
Le travail se rattache directement à la pauvreté. A ce sujet, je dis: Tout religieux doit travailler, et qu'il travaille dans le domaine de sa spécialité, selon son penchant et son orientation. Autrement il s'amuse, sans plus. Et l'Ordre ne doit pas confier à un religieux, une occupation ou une fonction qu'après lui avoir choisi, pour toute sa vie, une tâche sérieuse et une spécialité définie. Le religieux n'entreprendra pas une mission, ou ne desservira pas une paroisse ou ne sera aumônier d'une uvre pie, ou ne portera de responsabilité sociale, ou on ne lui confiera pas de voit... avant que l'Ordre ne lui eût déterminé sa tâche et lui désigné sa spécialité. Autrement, ce serait un moyen d'amusement et de perte de temps. S'amuser est tellement alléchant! Pour que l'occupation soit fructueuse et sérieuse, il est absolument nécessaire d'y persévérer et durer, de se fixer dans quelqu'endroit. Il faut que le travail soit fructueux, productif et responsable. Et afin que le religieux soit heureux, sain d'esprit et équilibré, il ne lui faut pas plus qu'à être un travailleur productif; c'est comme cela qu'il sera le religieux des 300 ans à venir.
9- Le jour de retraite
Quoi qu'on ait dit et qu'on dise de la vie active et de son importance dans la vie religieuse, celle-ci se rattache toujours au "désert". Si nombreux que soient les dons dans l'Ordre Libanais Maronite, et que celui-ci s'adonne aux affaires et aux activités très diverses, telles que les Universités, les Collèges et les Hôpitaux; qu'il se préoccupe de tâches commerciales, agricoles, de location et de production... Cet Ordre ne cesse d'éprouver, dans la profondeur de son être, de la nostalgie enfouie en son cur, pour cet ermitage perché sur un sommet qui donne sur le couvent et ses environs; l'Histoire nous en fournit des preuves.
1- Près de la plupart des anciens couvents paisibles se trouve un ermitage.
2- Il se trouve une ancienne Règle pour les ermites composée par l'un des Fondateurs. Puis une autre règle composée par le Père Général Ignace Blaïbel7 et une troisième composée par l'ermite Anthonios Chaïna8 .
3- Il se trouve une longue caravane de religieux qui ont préféré vivre dans les ermitages. Dans son livre Le dévoilement des ermitages et des ermites (Kachf al-khifa' 'an lmhabiss wal-hubasa') le P. Libaos Dagher a dénombré 63 ermites des plus célèbres9 .
4- Encore aujourd'hui dans les couvents, on trouve des religieux menant une vie d'ermites au milieu de leurs frères. Et nombreux sont parmi ceux-là qui désirent ardemment mener une vie de total détachement, d'ascèse et de mortification. L'ermitage de ceux-là attire à lui plus que les universités, les collèges et la mission n'en attirent d'autres.
Dans les 300 prochaines années, je ne vois pas la vie religieuse franche et sérieuse dans l'O.L.M. autrement que tendue vers l'ermitage. L'Esprit amènera des religieux dont le seul souci sera le Seigneur seul.
Et en attendant que vient le souffle de l'Esprit, l'Ordre se doit, pour rester témoin de ses propres valeurs, de ménager à chaque religieux un jour par mois qu'on appellera: "jour de désert". Ce jour-là le religieux laissera de côté toutes ses tâches habituelles. Il quittera son propre couvent et se retirera dans un petit couvent bien loin, ou dans un ermitage. Il se recueillera, se confessera sollicitant une direction spirituelle; il méditera, jeûnera, se repentira et pratiquera des mortifications corporelles jusqu'à l'épuisement.
Sans ce jour, -c'est ce qui nous est resté de la vie religieuse- nous allons vers une vie sans rapport avec l'Ordre. Ce jour est le symbole de ce que sera notre Ordre religieux dans les 300 prochaines années.
10- L'apostolat
L'apostolat est l'uvre du couvent dans son ensemble, pas du religieux en tant qu'individu. Et le couvent sera apôtre:
- Si l'on y fait les prières avec soin, ainsi que les célébrations liturgiques, les fêtes et les retraites spirituelles.
- Si les religieux y observent leur Règle, leurs devoirs, leurs règlements; s'ils veillent à leurs travaux, à leurs comportements et à leurs exemples.
- Si le couvent est hospitalier, ouvrant ses portes aux visiteurs, aux nécessiteux et aux affamés.
- S'il fait fructifier ses propriétés, s'il les administre bien et en prend soin comme il faut.
- S'il fait travailler les gens, leur paie un salaire juste et s'il les aide...
Faut-il oublier, dans le premier livre des Règle, le chapitre connu sous le nom de "chapitre de l'hospitalité"? Il y avait un religieux responsable de cet office, parce que les Fondateurs croyaient que l'hospitalité, la générosité et le bon accueil des gens sont ce qu'il y a de plus rentable dans l'apostolat et le témoignage.
Et je dis encore: Le couvent apôtre est plus utile et plus efficace que le religieux apôtre: l'apostolat du couvent est détaché; personne ne peut en tirer vanité. Quant à l'apostolat individuel du religieux, on y trouve de la vanité et de la recherche de sa gloire personnelle. Les gens louent le religieux; et en général l'homme est faible devant la louange que lui adressent les gens.
L'apostolat du couvent commence par l'entourage: il est responsable de ses voisins. Son plan est semblable à celui des Apôtres. Ils ont commencé par la Judée, puis par la Samarie, ensuite par toute la terre. Alors que l'apostolat préféré du religieux se trouve dans les lointains; il y est totalement libre, uvrant pour soi et il est fier de son uvre. Il est à craindre que ce soit lui qui profite de son apostolat et non le Seigneur.
Que l'apostolat revienne au couvent, pas au religieux, et que le religieux se retire dans son couvent; alors il sera apôtre véritable. Cette sorte d'apostolat sera l'un des traits caractéristiques de l'Ordre dans les 300 prochaines années.
11- Le moyen de l'apostolat
Quel est le moyen contemporain efficace sur lequel compter aujourd'hui, pour faire parvenir la parole de salut au monde?
Comment le religieux, dans cette région du monde, témoignera-t-il pour les valeurs auxquelles il croit et pour lesquelles il a embrassé la vie religieuse? Comment travaillera-t-il? Quel moyen d'apostolat emploiera-t-il?
Tout le génie de celui qui cherche le bien de l'Ordre et qui regarde son avenir dans les 300 prochaines années, consiste à donner une réponse à cette question: Quel est le moyen moderne et efficace que l'Ordre doit employer dans sa tâche apostolique dans le monde d'aujourd'hui? que les gens comprendront? qui leur sera utile et les attirera dans leurs différents âges, et leurs diverses situations, affaires et cultures?
Une autre question me tracasse. Quel est le moyen d'apostolat qui convient à la vie religieuse? Et quels sont ceux qui ne lui conviennent pas? C'est-à-dire: Quelle est la tâche que le religieux a le droit d'entreprendre? Et quelle est celle qu'il n'a pas le droit de faire?
A ces grandes questions, je réponds succinctement:
A côté de la vie de prière, d'ascétisme et de travail de la terre, ou dans l'école et le service des paroisses... il se trouve un moyen moderne et efficace nous le trouvons dans "les mass-médias".
Ceux qui travaillent dans ce domaine, peuvent, selon les propos du Concile Vatican II "Porter l'humanité à marcher dans la voie du bien ou dans celle du mal"10 . Et, encore selon le même Concile: "le destin de la société humaine est, de jour en jour, dépendant de la bonne façon d'utiliser ce moyen"11 .
L'Eglise d'aujourd'hui "doit utiliser les "mass médias" pour annoncer la nouvelle du salut"12. Ces moyens "rendent au genre humain de précieux et grands services... Ils contribuent de manière efficace à reposer l'âme et à l'éduquer; à répandre le Royaume de Dieu et à le consolider...
Ils mettent aussi les gens en garde qu'ils peuvent les utiliser (...) et en faire encore un instrument de perdition pour eux"13 .
Aussi, nous disons: Le moyen moderne de l'apostolat de l'Ordre aujourd'hui, dans cette région naturellement attirée par le "Son et Lumière", c'est d'abord: la télévision, ensuite; la presse en général; et enfin le livre imprimé.
Ce n'est pas une surprise que je dise qu'au cours des 300 prochaines années, l'Ordre doit, dans l'exercice de son apostolat dans le monde se diriger vers le moyen de cette "boite magique" qui résume l'université, la paroisse, l'école, la prédication, les retraites et tous les autres moyens d'apostolat...
12- Couvent et Village
Chaque couvent, canoniquement érigé, devrait adopter un village en quelque endroit du Liban, de Chypre, de Syrie, de Jordanie, de Palestine ou d'Egypte... On établira entre eux un jumelage total sur tous les plans, spirituels, paroissiaux, culturel, célébrations liturgiques, aides en nature, projets de développements, visites, échange de lettres et services à tous niveaux...
Ce qui nous pousse à cela, c'est que nous ne pouvons pas faire toutes choses, ni de trouver en tous lieux. Nous ne sommes pas chargés de combler tous les besoins de l'Eglise universelle dans tout ce Moyen-Orient, ni dans tous les pays d'émigration. Il n'est pas en notre pouvoir d'être à tous et d'effectuer toutes les uvres apostoliques. Si nous réussissions bien en quelque endroit, notre succès serait complet... Le Seigneur lui-même n'a travaillé que dans des limites géographiques très restreintes, et avec des gens très peu nombreux et bien déterminés. Même ces gens, eux encore ils n'ont commencé leur mission apostolique qu'après avoir reçu l'Esprit descendu sur eux de façon tangible.
Ce genre d'apostolat est à notre portée et il est le plus efficace pour servir les gens et les évangéliser, là où ils sont, dans leur société naturelle et dans le milieu géographique où ils vivent, ils ont travaillé et travaillent encore. Le résultat sera meilleur...
Dans ce genre d'apostolat, nous avons l'exemple de St Paul: il n'a pas écrit dans des sujets théologiques et à propos de la morale; mais il a écrit à des villes et villages aux noms bien précis: Rome, Corinthe, Galate, Ephèse, Philippe, Colossie et Théssalonique. Il a encore écrit à des personnes particulières: Thimoutée, Tite, Philémon...
Restreindre le travail à un seul village est plus efficace que celui qui s'éparpille en tous lieux. C'est là une des caractéristiques de l'avenir.
13- Le moyen d'obtenir des Vocations
Pour développer les vocations religieuse, il y a des conditions bien évidentes: elles ne sont ni de la devinette, ni de la magie. Nous disons: Pas d'Ordre religieux à vocations nombreuses venant de familles au nombre restreint d'enfants. Une famille de un ou de deux enfants ne donnera pas de vocations religieuses. Il ne faut même pas en accepter. Le résultat est donc évident: pas de vocations, c'est la disparition de l'Ordre.
Que faire alors dans les 300 ans futurs?
Nous disons: L'Ordre doit faire tout son possible que les familles chrétiennes aient de nombreux enfants. Toutefois constituer une famille nombreuse est impossible de nos jours, par suite d'obstacles matériels, sociaux, éducationnels, et sanitaires impossibles, résultants de la politique d'un état et de gouvernements inintelligents. Pour cela, l'Ordre doit, avant d'autres et pour son intérêt personnel d'abord, s'obliger à faire ceci:
1- Trouver des logements pour les familles chrétiennes au prix de revient.
2- Aider les parents à instruire leurs enfants, les aider à payer les frais scolaires.
3- Participer aux frais médicaux, d'hospitalisations et de médicaments.
4- Trouver des moyens de subsistance et de travail pour ceux qui le désirent.
5- Prendre à sa charge le 3e ou le 4e enfant pour tout, jusqu'à la spécialisation.
Pourquoi fuir le réel douloureux: la famille chrétienne peu nombreuse constituerait presque le grand danger pour l'Ordre, comme pour l'existence du christianisme au Liban et en Orient. L'Ordre, dans les 300 ans futurs doit travailler à faire face à ce danger.
14- L'école de préparation à la vie religieuse
Je ne sais quel est le nom canonique à donner à une telle Ecole? Serait-elle Ecole apostolique? Postulat? ou Petit Séminaire? En tous cas, cette école est de grande importance pour l'Ordre. Elle prime les Universités, les Collèges, les Supériorats et le souci des Couvents, des Centres, des projets de constructions, d'économie, et d'exploitation des terres et des propriétés.
Cette école, après avoir été devenue victime de l'université, doit être de nouveaux reconstruite dans un endroit géographique privilégié. Elle comprendra plusieurs pavillons techniquement bien équipés de façon moderne, pour contenir des élèves du cycle primaire, jusqu'au cycle secondaire, dont le nombre ne doit pas être inférieur à 500 élèves. Et s'il dépasse les mille ou les deux mille, ce sera meilleur.
Chaque classe comprendra deux sections et plus: une section pour les élèves qui se sentiront un penchant pour la vie religieuse; et une autre section où seront données la même éducations et les mêmes orientations. On y prépare de bons laïcs chrétiens qui seront les amis de l'Ordre et constitueront "un Ordre civile". Nous allons en parler dans le paragraphe suivant.
L'Ordre des 300 ans prochains ne pourra subsister sans vocations. Et les vocations ne peuvent être sans un grand souci éducatif de la part de l'Ordre.
15- L'Ordre religieux civile
Ses membres seront composés de nos nouveaux "associés". Ce sera le "Tiers Ordre". Nous disons: Nous ne pouvons pas, nous n'avons pas le droit d'être dans le monde d'aujourd'hui, sans amis, sans associés, qui seront nos collaborateurs, nos conseillers et nos experts. Les immenses propriétés de l'Ordre et ses projets de constructions, d'éducation et d'économie... Nous ne pouvons pas seuls les administrer, ni les couvrir, sans une aide. Comme nous n'avons pas le droit d'en disposer comme bon nous semble. Nous vivons dans une région chrétienne troublée et les propriétés de l'Ordre constituent une sorte de caisse d'épargne pour les chrétiens de cette région.
Comment faire pour bien exploiter ces propriétés?
La solution est la même aujourd'hui comme dans le passé. Elle consiste à former un groupe de chrétiens, amis de l'Ordre sous l'appellation de "nos nouveaux associés". Ils seront avec nous dans l'administration de toutes choses et à porter la responsabilité de toute chose. Ils ont droit, tout comme nous, à partager entre nous les gains et le destin. Nous travaillons ensemble pour notre bien commun, et exploitons le capital de l'Ordre.
Comme nous avons des adjuvants dans de nombreux domaines: des professeurs dans nos écoles, des médecins et infirmières dans nos hôpitaux, des avocats, des ingénieurs et des contremaîtres dans nos projets de constructions, des ouvriers et des employés dans nos centres... Nous devons aussi avoir dans notre Ordre des 300 prochaines années, des adjuvants amis qui seront du niveau des "Associés" mais avec une formule nouvelle et scientifique.
Le devoir de l'Ordre envers ces "associés", c'est de les orienter, de les former, de les spécialiser, de partager les gains avec eux, d'avoir à leur égard le souci spirituel et théologique, l'instruction de leurs enfants, leur donner leur droit en soins de santé, de sécurité sociale et s'occuper d'eux en cas de vieillesse... Ceux-ci sont, en un mot, des religieux séculiers, mariés, hors des couvents et de la clôture.
Encore une fois, nous disons: l'Ordre doit se défaire de l'administration de ses propriétés et projets pour s'adonner aux ouvrages de l'esprit, aux uvres du culte, à la vie retirée, à composer des livres, à évangéliser, à servir les âmes. De tels "associés" seront pour nous des aides, des yeux, des bras, des conseillers et des experts. Notre position chrétienne sans eux sera difficile dans la région. Il ne nous sera plus possible d'aller plus loin, sans eux, comme observateurs des positions des adversaires.
16- Des livres absolument nécessaires
Dans les prochaines 300 années à venir, il incombe à l'Ordre la responsabilité de composer dans de nombreux domaines spirituels et théologiques. Il devrait tout particulièrement déterminer ses perspectives et son identité par rapport à ce qui suit comme ouvrages:
1- Livres des Règles et des Devoirs religieux, mais dans le style d'une perspective théologique moderne.
2- Un glossaire religieux contenant toutes les expressions religieuses avec leurs définitions.
3- Une revue religieuse mensuelle qui s'occupera de tout ce qui concerne la vie religieuse et son histoire.
Ces trois écrits pourraient contribuer, de façon efficace, à susciter des vocations religieuses, en faisant connaître réellement et profondément tout ce qu'il y a dans l'Ordre, son histoire, son patrimoine composé de valeurs et de perspectives.
4- Une série théologique, biblique, scientifique moderne, dédiée à notre Orient chrétien, musulman et juif. C'est nous d'abord et non les chrétiens de l'Occident, qui sommes responsables de notre Eglise, et de l'accroissement du Royaume de Dieu et de son affermissement dans cette région.
17- L'Ordre et les Ordres
Les relations entre Ordres religieux au Liban, les uns avec les autres, ne sont pas ce qu'il faut. Tous les Ordres accomplissent les mêmes uvres, au même endroit. Pas de coordination entre eux, ni de spécialisation qui les distinguent les uns des autres. Il se trouve des régions chrétiennes où manque toute présence d'Ordre religieux, et d'autres régions, qui en sont bourrées. Ajouter à cela une concurrence mortelle et une jalousie maladive qui dominent dans la plupart d'entre eux. Qu'un de ces Ordres ouvre une université ou une école ou un hôpital, un autre Ordre s'empresse d'en ouvrir un établissement similaire qui rend le même service et dans le même endroit.
Ce phénomène n'est pas un indice de santé dans notre Eglise et notre société.
Le remède serait-il dans l'union des Ordres religieux entre eux?
C'est là une question à étudier et à débattre. Le meilleur serait qu'il en soit ainsi car toute chose entre les trois Ordres religieux maronites semble en commun: l'histoire, le patrimoine, les objectifs, les orientations, les spécialités, les uvres... Même les difficultés, les problèmes, le manque de vocations; ils sont les mêmes chez tous.
Tout cela, serait-il un appel sérieux à revoir au cours des 300 prochaines années?
18- Les affaires du destin de l'avenir
L'Ordre des prochains 300 ans doit avoir des attitudes franches et claires vis-à-vis des grandes affaires de l'avenir, dans les problèmes théologiques, comme dans les affaires sociales; dans les affaires particulières comme dans les affaires nationales, dans les domaines de l'éducation comme dans les domaines de l'économie... Un Ordre religieux c'est comme l'Eglise: elle vit sur une terre, et dans une patrie et réalise l'Incarnation en totalité, c'est-à-dire, elle prend à charge tous les problèmes de l'homme et de la société et prend leur défense.
Dire que dans le Christianisme il y a séparation entre la Religion et l'Etat, c'est-à-dire, entre ce qui apparient à Dieu et ce qui appartient à César, entre ce qui est spirituel et ce qui temporel, n'est pas exact. Deux arguments nient une telle assertion: L'Incarnation et l'Eglise. L'Incarnation veut dire que Dieu a adopté l'homme tel qu'il est, dans la faiblesse de son état terrestre, et là où il est dans l'espace et le temps. Et l'Eglise veut dire que Dieu tient compagnie à l'homme dans son évolution et les changements de son état.
Il en est autrement dans l'Islam: les Musulmans sont convaincus que l'Islam est Religion et Etat, c'est-à-dire spirituel et temporel. Dans l'Islam, l'homme est condamné à rester comme les lois divines lui sont descendues au VIIe siècle dans la société mecquoise. Cette législation éternelle et immuable dans l'Islam est toujours la même, et elle est donnée à l'homme en tout temps et en tout lieu. Elle ne tient pas compte du changement de l'homme et de l'évolution du monde.
Dans le Christianisme, la conception de Dieu lui-même évolue parallèlement à l'évolution de la conscience humaine et du progrès de la civilisation et des connaissances scientifiques. On dirait que Dieu lui-même, par l'Incarnation et l'Eglise, accompagne l'homme et change avec lui, selon les changements de l'état de celui-ci. Alors que dans l'Islam, Dieu est immuable et l'homme aussi, grâce au "Tanzil" (ce qui est descendu), à la permanence de celui-ci et à sa fixité dans le même état depuis l'éternité et pour toujours.
A cause de ce principe très grave, nous disons: L'Ordre doit accompagner l'homme dans tous ses problèmes, prendre en charge les questions qui déterminent son avenir et qu'il s'en fasse une opinion et en prenne une attitude:
Opinion et attitude
* du Judaïsme, de l'Islam, du Druzisme, du Nosairisme, et comment traiter avec chacun d'eux.
* d'Israël et de la Syrie à cause des frontières communes et des problèmes communs qu'ils ont avec le Liban.
* du dialogue et de la convivialité, comme des questions nationales et de l'existence commune.
* de l'arabité, du confessionalisme et de la laïcité, en tant que questions constamment débattues pour édifier une seule patrie.
* des programmes scolaires, de leur contenu et de la manière de les enseigner; ce qui est très efficient dans l'éducation des hommes de l'avenir.
* des questions sociales et humaines, comme les soins médicaux gratuits, l'enseignement obligatoire, l'assurance médicale pour les malades et les vieillards, l'assurance de vieillesse, et autres semblables. Il est temps que l'homme soit soulagé de la charge et des soucis des frais de la vie.
C'est une partie que doit assumer l'Ordre des 300 années prochaines; il doit lutter et combattre pour cela... Autrement nous n'avons pas encore ni réalisé le Mystère de l'Incarnation, ni ne sommes entrés dans le Mystère de l'Eglise.
19- La terre de l'Incarnation et de l'Eglise
Il se pourrait que posséder des terres dans un autre pays que le Liban, ne soit pas un but valable; alors qu'au Liban, c'est un objectif et un moyen. J'allais presque dire: la politique de l'Ordre Libanais Maronite, sa mission spirituelle, se pratiquait et se réalisait dans la possession de vastes terres, en montagne et dans la plaine, au Nord, au Centre et au Sud. Il avait un grand souci d'en posséder.
C'est ainsi que l'Ordre a connu une grande expansion; et pour cela, il y eut de nombreuses vocations et ont été construits de nombreux couvents; le nombre et la superficie des propriétés a augmenté, la vie y a été florissante, les biens ont été abondants et l'Ordre a eu partout des amis et des associés.
C'était dans le passé. Mais, est-ce qu'aujourd'hui, la possession des terres reste-t-elle un facteur efficace dans le développement de l'apostolat, une vaste expansion et des vocations en nombre? Ou, s'en trouve-t-il un substitut? Et quel est-il?
Je dis: Rien ne remplace la terre dans un pays comme le Liban. Toutefois le substitut, c'est la manière de l'exploiter. Dans le passé, la terre a été utilisée pour l'agriculture, et elle a rempli sa mission. Quant à présent, on en voit le substitut dans le commerce, c'est-à-dire, le commerce de la terre elle-même. On vend ici, pour acheter ailleurs. On vend peu dans un endroit pour acheter davantage dans un autre. Telle que nous la pratiquons, l'agriculture est devenue inefficace. Son cycle, chez nous, est incomplet. Elle est victime d'une politique peu intelligente qui l'a conduite à des pertes en tout. L'Ordre des 300 prochaines années, comptera davantage sur la terre, mais avec sagesse et clairvoyance.
Je termine en disant:
Ce sont là quelques caractéristiques de l'Ordre dans les 300 prochaines années. Je ne prétends pas les avoir tous épuisés, ni que j'ai bien réussi à les traiter. Mais je prétends que j'ai osé les signaler, et l'ai fait d'une manière inhabituelle. Il me suffit d'avoir ouvert une fenêtre devant les yeux du Comité du Jubilé, sa tâche fondamentale serait peut-être, d'y réfléchir.
J'aime mon Ordre et pour cela j'ai parlé. Je l'aime parce qu'il est ma maison, ma famille, mon église, l'endroit de ma sanctification, et le lieu de mon salut. Dans l'un de ses cimetières où dorment ses saints, je dormirai en leur compagnie. A quelqu'un d'autre, s'il aime son Ordre comme moi-même je l'aime, de me tendre la main.
Ensemble nous préparons quelques chose qui soit du niveau des 300 ans à venir tout gonflés de biens et de sainteté.
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1- Conférence donnée dans le cadre de l'Institut d'Histoire à l'Université du Saint-Esprit (Kaslik) à l'occasion de la célébration du 3ème centenaire de l'Ordre Libanais Maronite, dans la collection. "Patrimoine et perspectives d'avenir", le 5-6-1995. Elle fut éditée dans "Les Editions de l'Institut".
2- "Mémoire de Qara'li", in Les débuts de l'Ordre Libanais Maronite, éd. Josph AZZI, Kaslik, 1988, p. 31, N° 8. Qara'li est l'un des 3 organisateurs de la vie monastique dans l'Eglise maronite et dans tout le Proche-Orient.
3- Qara'li, "Mémoires", in Les débuts de l'Ordre, op. cit., p. 34.
4- Id., pp. 39-40.
5- Id., p. 40.
6- Ibid.
7- P. DAGHER, Dévoilement du secret des ermitages et des ermites. Revue par P. J. AZZI, éd. Kaslik, 1988.
8- Cahiers monastiques, N° 37, Edition P. J. AZZI.
9- P. DAGHER, op. cit.
10- Decret: des moyens de communications sociales" N° 11, 14, 9, 2.
11- Ibid.
12- Ibid.
13- Ibid.