L'Eglise Maronite
P. Karam RIZK
Directeur de
l'Institut d'Histoire
Université
Saint-Esprit de Kaslik (Liban)
Cet exposé vise la présentation des grandes phases de l'histoire des Maronites tout en indiquant les articulations problématiques afin d'ouvrir de nouvelles pistes aux "maronitologues", car une uvre historique est souvent aussi intéressante par les questions qu'elle soulève que par les réponses qu'elle apporte. Cet exposé prend en considération les résultats de la recherche relatifs à l'histoire des églises orientales et les découvertes heuristiques au niveau des sources écrites et non écrites. Quiconque d'ailleurs sait combien le sujet traité a besoin d'être rafraîchi et les préjugés bannis.
La naissance de l'Eglise maronite
Les Maronites et le monothélisme
Les Maronites et les Mardaïtes
Le déplacement de leur centre de gravité vers le Liban
La formation historique du Mont-Liban durant la période ottomane 1516-1918
Les Maronites en tant que peuple ont une histoire millénaire, celle de l'homme fixé sur la côte orientale de la Méditerranée et en Syrie septentrionale. Ethnologiquement, ce peuple qui existe avant l'antiquité, gréco-romaine est composé de plusieurs races, issues du mélange des civilisations dont le Proche-Orient fut le creuset. Néanmoins, on affirme que l'élément araméo-phénicien prédomine chez lui. évangélisé dès l'âge apostolique, il enracine son histoire dans le christianisme dont il adopte la forme maronite au milieu du Vème siècle.
Déjà la Bible réserve une large place à la civilisation cananéenne et phénicienne et mentionne à plusieurs reprises les Cèdres du Liban, Tyr, Sidon et d'autres villes dans les colonies de la Méditerranée, délimitant ainsi le pays de Canaan, considéré comme la terre promise.
Le Christ révolutionne l'histoire et transforme les types des relations entre les êtres humains. Sa rencontre avec la cananéenne s'offre comme le premier signe de l'universalisme du message chrétien qui s'annonce au monde via les Apôtres selon un rythme plus accéléré, notamment après l'an 37. La côte libanaise sera privilégiée comme point de passage des Apôtres et de leurs auxiliaires avant qu'ils ne s'installent à Antioche où émerge le nom de "chrétiens" pour la première fois.
Si la côte a reçu très tôt la Bonne Nouvelle, l'évangélisation de la montagne libanaise se fait attendre. Elle s'accomplit au Vème siècle par des disciples de saint Maron de qui les Maronites tirent leur nom. Maron est un personnage historique. Il est communément reconnu comme le fondateur d'une voie monastique originale l'anachorétisme ou la vie en plein air (hypèthre) dont le stylisme n'est qu'une variante. Il se fixa aux environs de Cyr sur le versant occidental de l'Amanus, près d'un temple païen qu'il avait consacré au culte du vrai Dieu. Prêtre, Maron accomplissait des miracles et sa réputation se répandait dans la contrée et augmentait le nombre de ses disciples. Vers 405, St. Jean Chrysostome, de son exil de Cucuse, lui adressa une lettre et se recommanda à sa prière l.
La date de sa mort ainsi que le lieu de son sépulcre sont inconnus. Théodoret de Cyr, l'historien de l'église, particulièrement du monachisme syrien, n'avait pas besoin de consigner un fait notoire. Selon les spécialistes son trépas devait arriver vers 410, sûrement avant 423, date de l'accession de Théodoret au siège épiscopal de Cyr. Son inhumation devait avoir lieu dans un bourg qui réussit à recueillir ses dépouilles.
Des controverses christologiques passionnées se déclenchèrent suite à la mort de St. Maron, divisèrent les chrétiens au Vème siècle. Ephèse ne mit pas fin au déchaînement, mais causa la deuxième dislocation dans l'unité de l'église en produisant l'église nestorienne.
Celle-ci se développa en dehors des limes de l'Empire et rayonna dans tout l'Orient. Chalcédoine accentua les scissions et engendra les églises-Nations: copte éthiopienne, arménienne, syriaque. Cette dernière se scinda en 2 groupes: l'Eglise monophysite orthodoxe et l'église maronite. Celle-ci se réclama de Maron dont 1"'école" ascétique survécut à la mort du fondateur. C'est ainsi que Théodoret de Cyr s'exprime à propos de ce phénomène: "C'est lui qui a planté pour Dieu le jardin qui fleurit aujourd'hui dans la région de Cyrrhus". L"'école" ascétique se transforma en monastère, fondé en 452 très probablement par l'empereur Maurice, mais organisé sous l'égide de Théodoret, qui infléchit l'ascèse dans le sens de la modération, conformément aux décrets de Chalcédoine. C'était normal de redonner la dignité à l'être humain et d'en revaloriser le corps, soumis auparavant à une austérité "martyrisante", puisque l'essence de la définition de Chalcédoine énonce que le Christ est une personne unique en deux natures: humaine et divine parfaites. "Nous enseignons tous d'une seule voix, proclament les pères conciliaires, un seul et même Fils, NSJC, le même parfait en divinité, le même parfait en humanité, le même Dieu vraiment et homme vraiment, fait d'une âme raisonnable et d'un corps, consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l'humanité, semblable à nous en tout hors le péché, engendré du Père avant les siècles quant à sa divinité... engendré de Marie, la Vierge, la Théotokos quant à son humanité, un seul et même Christ, Fils, Seigneur, Fils unique, que nous reconnaissons être en deux natures, sans confusion ni changement, sans division ni séparation ; la différence des natures n'est nullement supprimée par l'union, mais, au contraire, les propriétés de chacune des deux natures restent sauves et se rencontrent en une seule personne ou hypostase"2.
Cette définition constitue l'âme de l'être maronite: une foi inébranlable en Dieu qui requiert une fidélité indéfectible au magistère de l'église. Ainsi le monastère de St. Maron, premier foyer orthodoxe, se fixa un double but : défendre la doctrine de Chalcédoine et évangéliser les contrées encore païennes. C'est autour de ce monastère, situé vraisemblablement en Syrie Seconde, que se forma l'église maronite. Le site exact du monastère demeure inconnu. L'ignorance de son adresse donna lieu aux multiples théories soigneusement rassemblées par H. Suemann3. Les fouilles archéologiques et la concordance des sources écrites devraient mener à délimiter la place du couvent. Pendant trois siècles, le monastère dirigea la lutte pour la défense du chalcédonisme et sa suprématie fut reconnue universellement dans les assemblées synodales et les débats dogmatiques organisés devant les maîtres de la Syrie, tour à tour byzantins et arabes. Les discussions théologiques dégénérèrent en bataille surtout lors de l'installation de Sévère au siège d'Antioche. En 517, tombent les premiers martyrs maronites de Chalcédoine, victimes d'une embuscade tendue par les Monophysites aux abords de Larissa, alors qu'ils se rendaient pour une réunion en vue d'une réconciliation4. La fermentation théologique et intellectuelle manifestée vers 591, en 658-659, toujours frustrée, devait se muer en une organisation institutionnelle. Les moines de Beth Maron ou de la maison de Maron, ainsi appelés par les sources, et leurs évêques, attachés à la communion et à la charité, auraient bien voulu rester là si des événements majeurs ne s'étaient pas déclenchés, déterminant un cours inflexible.
La naissance de l'Eglise maronite
La vacance prolongée du siège patriarcal chalcédonien suite à l'assassinat du patriarche en 610, la conquête arabe de la Syrie en 634, l'appui que les nouveaux maîtres prodiguaient aux Monophysites, les vexations et les humiliations obligèrent des groupes de Beth Maronà quitter la Syrie pour se réfugier ès d'autres confrères installés au Mont-Liban. Davantage, ces facteurs obligèrent les responsables de Beth Maron à fonder leur propre église, la seule chalcédonienne, et à transférer le siège patriarcal d'Antioche au Mont-Liban.
Chalcédoine engendre ainsi des églises-Nations. Les douleurs de sa naissance auraient duré plus de deux siècles et demi. L'église maronite naquit alors un peu loin de son berceau initial. L'histoire semble avoir donné raison aux premiers Maronites. Le Mont-Liban devint un asile de liberté et d'autonomie, un pôle d'attraction pour toutes les minorités, chrétiennes ou musulmanes, qui chérissent ou partagent ces valeurs. Presque tous les hiérarques transférèrent leurs sièges au Mont-Liban à partir du XVIIème siècle.
Les Maronites et le monothélisme
Certains historiens sont habitués à étiqueter les églises "dissidentes" - et à chacun son orthodoxie - par une hérésie. Aux Maronites, on confère facilement le monothélisme, erreur doctrinale qui attribue une seule volonté (thélèma) au Christ. N'est-ce pas une façon détournée de saboter le dogme de Chalcédoine? Les accusateurs sont légion. Jean Damascène aurait ouvert le feu. Il fut relayé par Thimothée (+820), patriarche des Nestoriens, Dionysius al-Tell Mahré (+845), patriarche jacobite d'Antioche, Eutychès, patriarche d'Alexandrie au début du Xème siècle et d'autres. L'accusation fut introduite en Occident par le biais de Guillaume de Tyr (1 127-1181?); Le Quien l'a propagée. Mgr Clément Joseph David reprit le dossier, puis S. Vailhé, et récemment K. Salibi et Matti Moosa. Les plus modérés disent qu'une partie minime des Maronites aurait embrassé l'hérésie monothélite au sens moral, c'est l'avis du professeur Carcione. La liste d'accusateurs peut encore s'allonger. Les historiens maronites, les sortants du Collège maronite de Rome, rétorquèrent et qualifièrent ces accusations de calomnies. Ils furent appuyés par Messeigneurs Debs et Darian.
Nous ne voudrions pas raviver une polémique. Mais, les accusations sont portées rapidement et se basent sur quelques documents écrits: correspondance ou interpolation manuscrite, auxquels on désire ramener la vie de toute une église. Certes, l'hérésie monothélite fut condamnée au concile de Constantinople en 680. Les Maronites acquiescent depuis toujours aux décrets bien qu'ils ne fussent pas représentés au concile et nullement inculpés nommément.
Le monothélisme aurait été transmis ou imposé aux Maronites par leur ami, l'empereur Héraclius, qui séjourna en Syrie de 629 à 634, donc par un canal officiel. Personne ne peut nier l'amitié de l'empereur byzantin avec les chalcédoniens maronites. Mais l'Ekthèsis (exposé), l'édit ainsi appelé puisqu'il était affiché aux portes de Sainte-Sophie, ce compromis théologique qui s'inscrit dans la politique religieuse de Constantinople, était destiné aux chalcédoniens syriaques comme aux monophysites. Conçu par le patriarche de Constantinople Sergius (610-638) et l'empereur, il fut proclamé en 636, après l'échec du monoénergisme et le retrait de l'empereur de la Syrie. En effet, Héraclius escomptait toujours pouvoir rallier tout le monde, notamment dans les provinces, pour faire face aux dangers perse et arabe. Les historiens maronites soulignent que le monothélisme arriva en Syrie vers l'an 727, colporté par certains prisonniers byzantins. A ce moment, leur église était installée ailleurs, à l'abri de toute contamination5.
Les Maronites et les Mardaïtes
L'amitié d'Héraclius et des Maronites se manifeste autrement, plutôt au niveau institutionnel que doctrinal. A l'heure actuelle, il est unanimement admis que Héraclius est le nouvel organisateur de l'Empire byzantin, après Dioclétien et Constantin. Il institua les thèmes, c'est-à-dire des contingents mobiles stationnés sur un territoire provincial, qui remplace le diocèse. Les thèmes sont formés par des stratiôtes, à la fois militaires et paysans. Aux razzias arabes conduites en Asie Mineure, il fallait une armée agile capable d'opérer sur place. Lorsque les tagmata de Constantinople s'ébranlaient, l'ennemi serait retiré. C'est dans ce contexte de restructuration de l'Empire qu'il faudra placer les Mardaïtes. Ces troupes furent envoyées au Mont-Liban pour harceler l'armée des Omeyyades, stopper ses incursions en territoire byzantin et empêcher les califes de former une flotte qui gênerait le commerce en Méditerranée. Les Mardaïtes, vraisemblablement de souche non-maronite, s'acquittèrent de la tâche. Lorsqu'ils furent rappelés en 686 par Justinien II Rinocète, ils seraient scindés en trois groupes: le premier se rattacha au service de Byzance, le deuxième s'inféoda aux Arabes et le troisième, probablement le plus nombreux, demeura au Liban et s'intégra aux Maronites.
Le retrait des Mardaïtes affaiblit non seulement les défenses du Mont-Liban, mais brisa celles de l'empire aux dires de Théophanes: " L'empereur (Justinien II) ayant envoyé (un ordre), tira les Mardaïtes, au nombre de douze mille hommes (du Liban qu'ils occupaient) brisant ainsi par l'extrémité la (force de la ) puissance romaine; car toutes les villes occupées maintenant (du temps du chroniqueur Théophanes), par les Arabes, sur le haut des montagnes, depuis les confins de Mopsueste (en Cilicie) jusqu'à la quatrième Arménie, étaient sans force et inhabitées, par les excursions des Mardaïtes ensuite réprimées. L'Empire romain a souffert (depuis ce moment) jusqu'à présent toutes sortes de maux et de malheurs de la part des Arabes "6.
La méconnaissance de l'appareil institutionnel byzantin de cette période, notamment l'organisation des thèmes, induit les historiens, même maronites, à émettre des hypothèses peu vraisemblables. Le recours à la grande histoire, celle des relations byzantino-arabes au Vlle siècle, peut aider à élucider le phénomène des Mardaïtes7.
Certains autres historiens n'excluent pas uniquement tout lien entre Maronites et Mardaïtes, mais nient l'historicité de Jean-Maron, premier patriarche de l'Eglise maronite. Ils le classent comme un personnage fictif créé par l'imagination des Maronites pour le besoin de la cause. Chabot, un des grands syriacisant, tient cette hypothèse. Nau et Breidy répliquent. Ils parviennent à prouver l'authenticité de ses écrits qu'ils éditent sous le titre d'opuscules maronites. Après le départ des Mardaïtes, une pénombre règne sur l'histoire des Maronites jusqu'au dixième siècle.
Le déplacement du centre de gravité vers le Liban
A partir du Xème siècle, la géographie ecclésiastique maronite change. Selon Mass'udî, ils étaient auparavant répandus en Syrie du Nord : " La plupart de ses membres, écrit-il, résident dans les monts Liban et Sanir, à Emèse et dans les districts qui en dépendent, comme ceux de Hamat, de Chayzar, de Ma'arrat an-Nu'màn.
Maron avait un couvent, qui porte son nom, à l'est de Hamat et de Chayzar, constitué par un vaste bâtiment, entouré de plus de trois cents cellules où logeaient les moines. Ce couvent possédait, en objets d'or et d'argent et en pierreries, des richesses considérables. Il fut dévasté avec toutes les cellules qui l'entouraient, par suite des incursions réitérées des Bédouins et des violences du Sultan. Il s'élevait près du fleuve Oronte, fleuve d'Emèse et d'Antioche "8. Ce témoignage correspond à ce que rapportent Michel le Syrien, Eutychès d'Alexandrie, Barhebraeus et Lammens9.
L'émigration des Maronites, commencée au Vème siècle, s'acheva par la destruction de leur couvent en Syrie au Xème siècle. Les données de Mass'ùdî correspondent aux sources syriaques et grecques relatives au va-et-vient de la population en Syrie du nord transformée en glacis ou zone tampon. Pour éviter le processus d'implantation et de transplantation pratiqué sans cesse par les Byzantins et les Arabes et particulièrement récurrent et intense entre le Xème et le Xlème siècle, les Maronites préférèrent se réfugier au Mont Liban auprès de leurs confrères que d'être déportés ailleurs. Les travaux de G. Dagron sont concluants. En aucune fois, la solution vient de la grande histoire, celle de Byzance et des Arabes. La croisade entre 961-967 par Nicéphore Phocas, Jean Tzimiskès et, plus tard, par Basile II, entraîne une dépopulation. Qui comblera le vide démographique? Des gens habitués à cohabiter avec les Arabes et à s'installer sur des frontières. Les Syriens jacobites étaient les mieux préparés. Ainsi témoignent Michel le Syrien et Barhebraeus10. Entre 954 et 1072, les immigrés jacobites fondent dans la région reconquise trente sièges épiscopaux et cinquante six couvents. L'expansion jacobite et la connivence byzantine ne laissent plus de place pour les Maronites.
Cet exode progressif amena des Maronites dès le IXème siècle à Chypre où ils fondèrent plusieurs monastères selon l'indication des scholies de certains manuscrits conservés dans ces monastères avant de loger au Vatican11.
Ainsi donc les Maronites décidèrent d'abandonner les riches plaines de la Syrie pour se réfugier au Liban, de quitter les rives de l'Oronte, où pouvaient s'épanouir les cultures les plus variées, pour des arides montagnes aux terres informes et sauvages.
" Arrivés au Liban septentrional, peu avant les Mardaïtes, au VIème siècle, ils y avaient mené une existence précaire, persécutés, décimés par les Abbassides (750-1098), jusqu'à l'arrivée des Croisés, cependant que leurs communautés, demeurées dans les plaines et les cités riveraines de l'Oronte, achèvent lentement de se dissoudre "12.
Guillaume, évêque latin de Tyr, rompit le silence qui avait plané pendant quatre siècles sur la nation maronite. Voici comment il en témoigne: " Un peuple de Syriens, habitant la province de Phénicie, dans les montagnes du Liban près de la ville de Byblos... le nombre de cette population n'était pas peu considérable; il dépassait disait-on, quarante mille personnes établies sur les sommets et les pentes du Liban et réparties entre les évêchés, de Byblos, de Botrys et de Tripoli. C'étaient des hommes courageux, vaillants à la guerre et très utiles aux nôtres dans les graves affaires que ceux-ci avaient bien souvent avec leurs ennemis "13.
C'est une nouvelle géographie physique et humaine qui se dessine. Les quarante mille maronites, recensés pour la première fois, se fixent définitivement dans la partie septentrionale du Liban et leur histoire se lie immédiatement à celle du Comté de Tripoli (1110-1289) où ils composaient la majorité des habitants, et dont les frontières furent au nord les châteaux de Raphanée et de Montferrand en face de Tortose, à l'ouest la Méditerranée, à l'est les montagnes du Liban reliées au Krak des chevaliers, au sud le ruisseau de M'amaltayn, près de Jounieh. .
Si les Maronites étaient les plus nombreux, les mieux organisés et occupaient le premier rang dans la hiérarchie parmi les indigènes, les Nestoriens et les Jacobites, héritiers des universités "syriaques", Nisibe et Edesse, étaient intellectuellement supérieurs à tous, particulièrement en médecine14.
Les Maronites adoptèrent l'organisation des Croisés et devinrent leurs auxiliaires les plus estimés. Lorsque le Comté de Tripoli fut divisé en seigneuries, les Maronites et les autres indigènes chrétiens entrèrent dans cette organisation féodale. Les seigneurs locaux s'appelaient raïs, regulus en latin. Les reguli, comme les seigneurs francs, dominaient des villages et possédaient des fiefs. Ils fournissaient à l'armée sa cavalerie indigène. L'autorité des reguli n'était pas toujours inférieure à celle des seigneurs francs 15.
La collaboration des Maronites avec Les Croisés n'était pas inconditionnelle. Les chroniques rapportent certains malentendus, notamment en 1136 où les Maronites auraient facilité la pénétration des Arabes en territoire croisé. Suite à ces velléités d'autonomie, les Croisés leur auraient procédé à des schèmes ecclésiastiques latins. C'est dans ce contexte que Guillaume de Tyr essaya d'insérer le récit d'une éventuelle conversion des Maronites devant le patriarche latin d'Antioche, Aimery. L'évêque se base sur une source douteuse, celle d'Eutychès d'Alexandriel6.
L'organisation hiérarchique de l'Eglise maronite et la répartition de ses évêchés ne coïncidaient pas toujours avec celle de l'église latine du Comté de Tripoli. Il est difficile de localiser et de dénombrer précisément les évêchés. La résidence patriarcale elle-même ne fut pas définitivement fixée avant le XVIIIème siècle. Le patriarcat maronite était composé du patriarche maronite d'Antioche et d'une dizaine d'évêques dont cinq au moins résidaient avec lui.
Durant cette période, le patriarcat maronite s'étendit jusqu'à l'île de Chypre et la Palestine, comme l'indiquent des inscriptions laissées dans les lieux de culte communs aux deux peuples, notamment celle de l'église d'Acrel7. Les Maronites, seuls orientaux, pouvaient célébrer dans les églises latines de la Terre Sainte et utiliser les mêmes ornements liturgiques. Il semble aussi que la vie monastique fut florissante chez les Maronites au Xllème et XIIIème siècles. E. Rey énumère plus de dix grands monastères maronites à cette époque.
Au commencement de la deuxième moitié du XIIIème siècle, les états latins tombèrent successivement entre les mains des Mamlouks. Seul le Comté de Tripoli, dans sa partie libanaise, résista. Les mamlouks multiplièrent leurs assauts contre le comté tripolitain et l'arrière pays maronite. Le Kisrawàn ne fut pas épargné non plus. Baybars dirigea la première expédition en mai 1268.
Il parvint à saccager les banlieues de Tripoli et à tuer les paysans des alentours. Les raids continuèrent sans cesse. Celui de 1283 échoua devant Tripoli mais les Turcomans et les Mamlouks défoncèrent les fortifications de la région d e Bcharré, démolirent les villages et emmenèrent en captivité des milliers de Maronites dont le patriarche Luc de Bnahràn. La destruction totale du comté tripolitain et l'invasion du pays des Maronites fut uvre du sultan Qalâwùn le 26 avril 1289. Deux ans plus tard, il obligea les Francs à quitter Byblos vers Chypre. Beaucoup de Maronites les accompagnèrent. Ainsi s'acheva l'ère des Croisades. Les Maronites du Liban, devenus une proie facile, échappèrent de peu à l'extermination. Leur mémoire collective garde vivante dans sa tradition orale la cruauté des esclaves, devenus sultans. Jusqu'en 1516, début de l'ère ottomane, les Maronites restèrent soumis aux intendants des Mamlouks installés à Tripoli. C'est vers cette date que s'est opérée la jonction historique entre eux et les Druzes de la dynastie Ma'n pour la construction du Liban. Désormais, l'histoire de ces deux peuples, mieux connue, sera succinctement exposée.
La formation historique du Mont-Liban et son statut spécial durant la période ottomane 1516-1918
Nous avons signalé plus haut que les Maronites s'installèrent dès le Vème siècle dans la partie septentrionale du Mont-Liban. Les Druzes s'implantèrent dès le XIème siècle à Wàdî t-Taym et progressivement dans le Gharb et au Chûf. Ces deux peuples étaient attachés à leur autonomie et se laissaient gouverner respectivement par leurs chefs locaux. La dynastie Druze Buhtur gouverna le Gharb (1140-1516). Les Ma'n succédèrent au Buhtur (1516-1697). Les Chéhâb succédèrent aux Ma'n (1697-1841). Au nord, dans le pays maronite, les Muqaddam (préposés) gouvernèrent Jubbat Bcharri (1382-1621), les Hubaych administrèrent le Kisrawàn(1523-1591) - sous le contrôle des Al 'Assàf, puis les Kâzen (1615-1858).
Quand les Ottomans conquirent la Syrie en 1516, ils laissèrent la Montagne entre les mains des émirs locaux. La partie méridionale relevait du vilayet de Damas, la partie septentrionale de celui de Tripoli. id-Dîn Ma'n II unifia les deux partie. Il annexa Beyrouth en 1589et mit la main sur le Kisrawàn en1605. Depuis cette date, l'union des Maronite et des Druzes fut scellée. Ils constituèrent ensemble une puissance dans la région. L'émir Fakhr id-Dîn II, fort de cette cohésion intérieure, songea à se libérer du joug ottoman. Il agrandit son territoire et contrôla Jérusalem, Damas, Hauran et une partie de la Jordanie. Il développa les relations politiques et commerciales avec l'Occident. Sidon devint sa capitale et recouvra sa gloire de jadis, au temps des Phéniciens. A la force, Fakhr id-Dîn Il joignit l'habileté. Il savait intervenir au bon moment pour suborner les Grands vizirs et leur entourage. Bref, Fakhr id-Dîn II était le premier homme d'état ayant conçu un projet politique cohérent pour le Liban. Son règne est unanimement considéré par les historiens comme l'âge d'or de l'histoire du Liban. Cependant, en 1633 le Sultan Murat IV reconquit le pays du grand Ma'n, le décapita deux ans plus tard et redistribua ses domaines. En 1660, on créa le vilayet de Sidon pour isoler le Mont-Liban de la côte et empêcher toute nouvelle tentative d'indépendance.
A l'extinction de la dynastie Ma'n, leurs parents, les Chéhâb, princes sunnites de Wàdî t-Taym, prirent le pouvoir. Ils réussirent, malgré les dissensions intérieures et les difficultés extérieures, à garder l'unité et l'autonomie du Mont Liban. En 1711, à la bataille de 'Ain Dara qui opposa les factions traditionnelles, les Qayssî conduits par les Chéhàb et les Abù 1-Lama' et les Yamanî, dirigés par les Hannuch et les 'Alam id-Dîn, les Chéhàb sortirent vainqueurs. Les 'Alam id-Dîn furent exterminés. Les survivants des Yamamî fuirent en Hauran. Le territoire de l'émirat fut divisé en 21 unités administratives, appelées Muqata'at selon la force des chefs des clans victorieux, appelés Muqàta'jî.
Les effets de ce partage marquent encore le paysage socio-politique du Liban où des familles conservent leur influence dans des zones particulières, résidus de la féodalité. Dès 1754, deux nouvelles factions se constituèrent, les Jumblâtî et les Yazbaki. Elles subsistent uniquement encore au niveau des Druzes. Mais à l'époque, elles incluaient respectivement des Maronites.
Le règne de Bachîr II (1787-1840) fut extrêmement troublé. Le Mont-Liban subit les répercussions de la révolution industrielle qui démantela ses structures agraires et modifia les rapports sociaux en brisant la rigidité des ordres. Elle précipita l'Emirat dans les grands conflits régionaux: l'expédition de Napoléon en Egypte, l'invasion de la Syrie par Méhémet Ah, la rivalité anglo-française au Proche-Orient, les différentes tentatives des agents turcs pour S'emparer du Mont-Liban. Au niveau intérieur, l'Emirat connut la rivalité des factions yazbaki contre les jumblatî les premières révoltes rurales nommées 'amnîya, le soulèvement du clan jumblâtî les premiers incidents confessionnels druzo-maronites.
En 1840, l'Angleterre, pour sauvegarder l'intégrité de l'Empire ottoman contre le vassal rebelle Méhémet Ali et pour contrôler unilatéralement la route des Indes et les centres d'approvisionnement en matière première, appuya les paysans au Mont-Liban mécontents des mesures oppressives prises à leurs égards par le vice-roi. Une fois Méhémet Ali expulsé de la Syrie et son allié Bachîr II exilé, l'Angleterre soutint inconditionnellement les prétentions des "seigneurs" druzes face aux revendications des paysans maronites. Le résultat de la politique anglaise fut la guerre civile et l'effondrement de l'émirat libanais.
Suite à la guerre civile de 1842, on divisa le Mont-Liban en double gouvernement ou Caimacamat (qà' imaqamîyatayn), l'un pour les Druzes, l'autre pour les chrétiens. Un gouverneur druze, issu du clan Arslàn, dirigeait les Druzes et un gouverneur chrétien, pris dans la famille Abû 1-Lama', les chrétiens. La route Beyrouth-Damas séparait les deux communautés. Mais les paysans maronites résidant dans la partie méridionale et travaillant la terre des "seigneurs" druzes n'avaient aucune garantie, bien qu'ils fussent plus nombreux que les Druzes. La guerre civile recommença en 1845. Sous la pression des Puissances occidentales notamment la France, Chékib Efendi, le Ministre des Affaires étrangères turc, institua une représentation pour les paysans maronites. Ceux-ci pouvaient élire leurs délégués (wakil) immédiatement rattachés au qà'immaqâm chrétien. L'arrangement de Chékib fonctionna jusqu'en 1858, date à laquelle, les paysans chrétiens du Kisrawàn se révoltèrent contre leurs muqàta'jî Khâzen, les expulsèrent, abrogèrent le régime de I'Iqtà' et instituèrent à sa place une république populaire. Les muqàta'jî druzes, redoutant l'extension du souffle révolutionnaire dans leur région, allumèrent la guerre civile. Ce furent les terribles massacres des chrétiens en 1860, perpétrés par les Druzes en complicité avec les troupes ottomanes, à Hàsbayyà, Ràchayyâ, Zahlé, Dayr il-Qamar et à Damas. L'ampleur du désastre appela l'intervention de 1 Europe. Un corps expéditionnaire français mandaté par les Puissances débarqua à Beyrouth en août 1860. Il aida les réfugiés à retourner dans leurs villages. Simultanément, une commission internationale arrêta les indemnités et dota le Mont-Liban d'un règlement nouveau, appelé Mutasarriftya. Le Mont-Liban serait gouverne par un catholique non-indigène choisi par la Porte de concert avec les Puissances européennes. Il serait assisté par un Conseil administratif de douze membres, proportionnellement élus dans leurs communautés respectives. On divisa le Mont-Liban en 7 arrondissements (mudîrîya), qui remplacèrent les muqâta'àt. La police se recruta parmi les autochtones en raison de 7 pour mille habitants. On fixa l'impôt à 7.000 bourses. Toutes les fonctions furent rémunérées. On abolit le régime féodal et les privilèges des muqàta'jî. On accorda des facilités douanières au Mont-Liban.
Le régime de Mutasarrifiya avait ses avantages et ses désavantages. Il exclut l'indigénat du gouverneur et créa un sentiment de frustration chez les Maronites. Il rétrécit le territoire du Mont-Liban en détachant les villes côtières et la Biqâ', le privant ainsi de ses ressources naturelles. Cependant, le Règlement conféra une stabilité au Mont-Liban. Il stoppa les ingérences de la Porte et les intrigues des pachas avoisinants.
La stabilité et la sécurité favorisèrent la naissance d'un mouvement intellectuel qui fut à la base de la renaissance des lettres dans le monde arabe. Les missionnaires protestants de l'A.B.C.F.M. fondèrent, en 1863, le Syrian Protestant College, l'actuelle Université Américaine de Beyrouth. Les Jésuites érigèrent l'Université Saint Joseph de Beyrouth en 1881. Chaque communauté confessionnelle avait un établissement scolaire. La France subventionnait les établissements francophones et accordait des bourses aux chrétiens et aux musulmans inscrits aux collèges autochtones tenus par les chrétiens. La Propaganda Fide sous les mêmes établissements. Les Druzes créèrent en 1862, le collège de Dàwùdîyi à 'Abay, subventionné par les fondations pieuses (waqf) de la communauté et par le Mutasarrifiya. Les Sunnites de Beyrouth fondèrent en 1878 l'Association musulmane de bienfaisance (al-Maqàsid). Ce fut l'institution la plus riche du pays. Les Maronites avaient les collèges de 'Ayn Warqa, de Rumîyi, de la Sagesse.
L'éducation, réservée d'abord à une élite maronite, se propagea dans toutes les communautés. Les Maronites, eux-mêmes, ouvraient leurs écoles aux élèves des différentes communautés. Les imprimeries fonctionnaient régulièrement. La production se diversifia. Des journaux et des revues apparurent. Le théâtre offrit des spectacles. Des cercles littéraires se constituèrent, relayés par des associations politiques. Tout était en place pour faire éclore la conscience nationale. C'est contre cet essor que réagirent les Jeunes en 1914 en abolissant unilatéralement le statut de la Montagne.
Affirmer que le régime de Mutasarrifiya assura une prospérité généralisée n'est pas tout à fait conforme à la réalité. Ce fut une prospérité relative, puisque le régime n'a pour absorber la croissance démographique et l'émigration des chrétiens à l'étranger et des Druzes vers le Hauran. que le Mutasarrifiya apporté, c'était la sécurité des personnes, de leurs biens et certains avantages douaniers. Cela suffisait pour que plusieurs riverains, toutes confessions confondues, réclament leur rattachement au Liban. C'est à titre aussi que le dicton libanais s'énonçait "heureux celui qui a la place d'une chèvre à la Montagne". Pour les Montagnards, notamment les Maronites, le Mutasarriffya n'était qu'une étape vers l'indépendance totale du Mont-Liban avec son territoire connu au temps de l'émirat: villes côtières et plaine de la Biqâ' incluses.
Les Jeunes Turcs prirent le pouvoir en 1908. Ils essayèrent de rajeunir l'ottomanisme et de faire étouffer tout autre nationalisme. Ils ne manquèrent pas l'occasion d'opposer les différents courants arabes les uns contre les autres. Ils achetèrent l'allégeance de certains chefs. Quand la Turquie déclara la guerre aux Alliés le 29 octobre 1914, le pouvoir était concentré entre les mains d'un triumvirat composé d'Envers, de Tal'at et de Jamal pachas. Ce dernier, surnommé le Ci. massacreur", soumit la Syrie au régime militaire et abolit le statut du Mutasarriffya. Il réserva un traitement particulièrement barbare à l'égard du Mont Liban. Il obligea le patriarche maronite à solliciter le bérat d'investiture en tant que chef de Millet. C'était une première dans l'histoire de l'église maronite. Les quatre années de guerre éprouvèrent les habitants de la Montagne. La famine sévissait alors que le blé germait dans les greniers à B'abdà. Le typhus, la conscription-l'émigration et les exécutions décimèrent la population et ruinèrent les villages. On observait partout des champs délaissés et des maisons écroulées. Un blocus total isola le Mont-Liban. La cruauté ottomane infligée au Mont-Liban équivaut au génocide des Arméniens. Cette grande misère renforça les Montagnards dans leurs revendications d'un pays indépendant. Quand les forces alliées arrivèrent le premier octobre 1918 à Damas et le 7 à Beyrouth, la population les accueillit comme libérateurs. Un nouveau régime commença: le Mandat.
Ce régime dura presque un quart de siècle. Il constitue un aboutissement d'une longue histoire amorcée avec le Comté franc de Tripoli. Dès cette période se noue déjà l'amitié franco-maronite. Elle se consolidera à travers les capitulations et se montrera indéfectible lorsque l'un des partenaires traverse une crise comme ce fut le cas en 1845, 1860, 1914 1940. Les fruits de cette collaboration sont multiples: la création du Grand-Liban, le premier septembre 1920, l'institution de la République Libanaise en 1926 avec une constitution garantissant toutes les libertés, et l'appartenance à la francophonie.
Le Liban, rêve choyé des Maronites, havre d'humanisme 'et République démocratique à composantes multiraciales, traversa des crises graves. Celle de 1958 est la plus significative.
Elle provient de la guerre froide qui secoue le Proche Orient où le Liban se présente comme le corps le plus fragile.
Les vagues successives de l'immigration palestinienne à partir de 1948, soutenues par une immixtion d'abord latente puis transformées en organisations militaires, voire en état dans l'état, perturbe l'équilibre confessionnel et sape la convivialité communautaire basée sur le pacte national, sorte de promesse d'alliance orale. A partir de 1975, les Maronites, identifiés avec le Liban, ne sont pas contestés dans leurs idées, mais menacés d'extermination. Systématiquement attaqués , dans les villages les plus reculés comme dans les quartiers les plus bondés, ils se livrent à une "résistance héroïque qui leur a coûté des milliers de victimes: ce n'était là, écrit le p. M. Hayek18, qu'une scène du long martyrologe commencé en 517". En fait l'Eglise maronite est une église de la persécution. Elle n'a pas encore accédé à l'ère de "la paix de l'église". Peut-on être autrement chrétien si l'on ne s'apprête pas à porter sa croix à Une église pour laquelle on se sacrifie c'est une église vivante. Amoindris, déracinés et dispersés, les Maronites attendent, à l'indifférence des tous, le retour du droit et la fin de l'état-butin. En effet, la ruée vers la fonction publique n'a jamais été si échauffée. Que cette flambée soit passagère. Eglise orientale, l'église maronite est en perpétuel contact avec les autres églises orientales.
Elle dialogue aussi avec son environnement musulman. L'interaction est tellement profonde qu'elle peut étonner.
On a souvent relevé l'apport des Maronites à la renaissance des lettres arabes, via le Collège de Rome et l'école de 'Ayn Warqa. Mais il convient de rejoindre l'autre confluent. En effet, le nomocanon, qui régit les institutions de l'église maronite, s'est enrichi de compilations de provenance variée.
Il intègre des éléments venant de la chari'a et de la jurisprudence islamiques introduites officieusement par 'Abdallah Qaralî, le père du monachisme moderne, et acceptés officiellement par les patriarches du XlXème siècle qui envoyaient des candidats s'initier auprès des célèbres juristes musulmans. L'ouverture à l'autre est un principe directeur dans l'église maronite. Quant aux relations des Maronites avec la France, elles sont en quelque sorte l'autre face de leurs relations avec le Saint Siège. C'est même en fonction de l'attachement des Maronites au Siège de saint Pierre que la France se trouve mandatée de les protéger. Les Croisés donnent aux Maronites la possibilité de renouer avec Rome. Les contacts deviennent réguliers dès 1439, grâces aux Franciscains de la Terre Sainte. Les Pères Jésuites prennent la relève à partir de 1578 et essayent de raffermir la communion. Ils interviennent pour que les Maronites aient un Collège à Rome et réussissent à le diriger dès sa fondation par le pape Grégoire XIII en 1584. Le collège devient un foyer d'orientalisme et une pépinière de prêtres et d'évêques, ouverts à leur milieu.
Habitués de longue date à traiter avec Rome et la France, les Maronites n'éprouvent aucune appréhension à cultiver l'échange culturel. Cette affinité constitue, avec leur identité antiochienne, une constante de leur histoire. Le grand fruit de cet échange demeure le Synode du Mont-Liban, la charte toujours actuelle de l'église maronite. Puissions espérer un fruit aussi mûr dans le synode qui s'annonce à ou du moins réhabiliter ce rôle historique de pont entre l'Orient et l'Occident, rôle qui s'avère sans cesse indispensable.
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